Pépite #07 - Pierre, créateur d’un bus-auberge de surf
Tout quitter pour retaper un bus scolaire sans être mécano, vivre du surf sans prendre de tubes à coup sûr, s’improviser tourneur d’artistes parce que ça le fait marrer. Pour Pierre Mainguy, l’important c’était de se lancer, le reste a suivi. Aujourd’hui son bus lui sert de maison et d’auberge itinérante pour des séjours de surf d’un genre nouveau. Un endroit mouvant, créateur de lien permanent. The Commodore Hostel accueille les néophytes, les férus, les paumés et les nouveaux nomades qui s’essayent à la simplicité routarde au rythme des marées. N’attachez pas vos ceintures et laissez-vous conduire par Pierre, professeur de l’école buissonnière.
Né des embruns bretons
Pour Pierre, la micro-aventure est un week-end comme un autre. Sans le sou et avec la jeunesse pour certitude, Pierre se fond dans l’image d’Épinal du surfeur roots qui dort dans sa voiture ou en camping sauvage près de la plage du Petit Minou ou du spot de la Torche.
Sa marotte s’inscrit au rythme de la houle dans son Finistère natal. Sur fond de grès et de quartzite, son terrain de jeu défie l’érosion, et les surfeurs observables depuis la côte jouent les sémaphores. Plutôt que voyageur, il aime à s’appeler aventurier. Aventurier du week-end guidé par Météo Breizh, sans concept, sans argent, juste la planche sous le bras. Like a hobo, mal fagoté et entièrement dédié à une activité en phase avec la nature.
Aujourd’hui, Pierre a 30 ans, et cela fait 5 ans qu’il a tout quitté. Un retour au temps de l’insouciance, après un premier emploi en start-up, une perte de sens, un ennui à tromper dans un cercle vicieux. Pris dans le rouleau, il arrête. Comme un fidèle oracle jamais très loin, le surf lui offre son salut. Pratiquer plus et partager sa passion, ce sera son nouvel alignement.
Rénover un bus
“Je ne voulais qu’une chose : me lancer. Peu importe que ça marche ou pas”. L’idée paraît folle ; c’est le propre de tout projet ambitieux. Sans connaissance en mécanique, il investit en 2017 dans un vieux car scolaire. Une rénovation d’un an et demi remplie de galères et d’apprentissages face à lui-même, les mains dans le cambouis, pour finalement décrocher le graal : l’homologation de son bus. Une période qu’il retient comme une des plus belles de son aventure.
Remis d’aplomb, le quadrilatère de ferraille est baptisé The Commodore Hostel, en référence à une anecdote entre amis sur le Commodore Norrington de Pirates des Caraïbes.
Le rendu final ? Un dortoir de 8 personnes, un intérieur chaleureux, une terrasse sur le toit, et l’autonomie en électricité et en eau. L’habitat réduit et la nécessaire limitation en ressources obligent à la sobriété. Une rééducation ludique et appréciée des voyageurs, pour qui les douches froides et le végétarisme font partie de l’expérience. L’auberge roulante cornaque nombre de jeunes gens en Bretagne, dans les Landes, au Portugal et au Maroc. “Beaucoup de mes clients achètent un van après le trip avec moi”, s’amuse Pierre. Sans rire.
Surf, Musique, Repeat
Pierre vit dans son bus, en totale liberté. L’aspect le plus grisant et le plus fatiguant aussi. Seul l’hiver dernier, il s’est reposé dans une maison en dur. Son moteur ? “Le diesel”, et l’humour apparemment. “Je me marre beaucoup et travaille énormément”.
Pour ses séjours, il préfère encore le hors-saison : de plus belles vagues, moins de monde, et des clients prêts à s’immerger dans la culture surf pour qui il endosse pleinement son rôle de guide local. The Commodore Hostel accueille des séjours “surf et yoga”, des surftrips où l’aléa est roi, des séjours débutants et d’autres accompagnés du surfeur professionnel Ian Fontaine, pour les plus avancés. L’essentiel d’un séjour avec Pierre se partage entre moments de convivialité autour des repas et sessions de surf, entrecoupés de pause café ou de cueillette de champignons. Une expérience d’authentique slowtourisme colorée par la dynamique des participants.
L’été, le bus-auberge se transforme en tourbus d’artistes. Une opportunité inattendue qu’il a acceptée. Avec l’humoriste Alexis le Rossignol et sa bande de copains, ils ont sillonné la Bretagne durant 10 jours. Dix dates qui ont rassemblé des centaines de personnes chaque soir. Depuis, des tournées de musiques folk et rap se sont ajoutées à l’agenda estival du troubadour-bus.
Une vague après l’autre
Le bus, le surf, les tournées. Des aventures qui comblent et ravissent Pierre, toutes avec un dénominateur commun : y aller sans savoir ce qui va se passer, juste pour l’expérience. “Et si le bus s’arrêtait ?”, lui demande-t’on. “Ce serait OK, bon je chialerais sûrement, mais je rebondirais”.
Sa réponse recèle un état d’esprit : le bus n’est qu’une phase de vie, une vague dont la lèvre déporte Pierre qui sait d’avance qu’elle s’évanouira en écume dans un moment. Pour laisser place à une autre vague, promesse d’aventures et de rires neufs. Il évoque d’ailleurs la possibilité de rénover un tiers-lieu pour rassembler autour de la culture surf et d’une petite mousse, à boire cette fois.
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Edito : Marie Lachat
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